"Le dessin n'est pas la forme, il est la manière de voir la forme"
Edgar Degas
Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain.
Que me servait que tant de connaissances
A mon esprit vinssent donner l’essor,
On n’a pas besoin des sciences,
Lorsque l’on vit dans l’âge d’or !
Mon coeur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas la noirceur,
De la vie en cueillant les fleurs,
Je n’en sentais pas les épines,
Et mes caresses enfantines
Étaient pures et sans aigreurs.
Croyais-je, exempt de toute peine
Que, dans notre vaste univers,
Tous les maux sortis des enfers,
Avaient établi leur domaine ?
Nous sommes loin de l’heureux temps
Règne de Saturne et de Rhée,
Où les vertus, les fléaux des méchants,
Sur la terre étaient adorées,
Car dans ces heureuses contrées
Les hommes étaient des enfants.
Gérard de Nerval, Poésies de jeunesse
Ma chère mère,
[...] Par quel miracle suis-je sorti de cet enfer,
je me demande encore bien des fois s'il est vrai que je suis encore vivant. [...]
Nous étions tous montés là-haut après avoir fait le sacrifice de notre vie,
car nous ne pensions pas qu'il fût possible de se tirer d'une pareille fournaise.
Oui, ma chère mère, nous avons beaucoup souffert et personne ne pourra jamais savoir
par quelles transes et quelles souffrances horribles nous avons passé [...] ».
Guillaume Apollinaire
Le cancre
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
Jacques Prevert
Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rhythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :
Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D’autres, l’horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d’une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.
Pour n’être pas changés en bêtes, ils s’enivrent
D’espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu’un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom !
Le voyage. Charles Baudelaire
Une odeur de gazon écrasé traîne sur la pelouse,
non fauchée, épaisse, que les jeux, comme une lourde grêle,
ont versée en tous sens.
Des petits talons furieux ont fouillé les allées, rejeté le gravier sur les plates-bandes ;
une corde à sauter pend au bras de la pompe ; les assiettes d’un ménage de poupée,
grandes comme des marguerites, étoilent l’herbe ; un long miaulement ennuyé annonce la fin du jour, l’éveil des chats, l’approche du dîner.
extrait "La maison de Claudine" Colette
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